Le secret de l’espadon – Une BD ancrée dans l’histoire

Blake et Mortimer fait partie des séries BD iconiques qu’on trouve dans de nombreuses bibliothèques. Edgar P. Jacobs y a créé un univers particulier qui se situe dans une uchronie post-seconde guerre mondiale. Comprenez par là que l’univers de Blake et Mortimer se déroule dans un univers similaire au notre jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. A partir de là, les évènements diffèrent. En effet, dans la première aventure intitulée « le secret de l’espadon » publiée dès 1946 dans sa version originale, il est question d’une troisième guerre mondiale. Ainsi, ce triple album est un miroir des évènements de la seconde guerre mondiale … mais pas seulement ! Et oui, le secret de l’espadon peut aussi être vu comme une analyse géopolitique du monde anonciatrice de la guerre froide. Pour faire simple, Edgar P. Jacob mixe la seconde guerre mondiale à la guerre froide naissante, offrant un récit qui met en image les traumatismes des habitants de l’après deuxième guerre tout en anticipant les enjeux de la guerre froide. Analysons tout cela !

Les stigmates de la seconde guerre mondiale

La seconde guerre mondiale transparaît très fortement au fil du récit du secret de l’espadon. IL est question d’un empire asiatique qui tente de gouverner le monde. Les préparatifs militaires de « l’empire jaune » font fortement penser à la remilitarisation du IIème Reich. Blake critique d’ailleurs l’attitude passive des Etats face à la menace de cet empire. Il en était de même avant la seconde guerre mondiale vis-à-vis de la remilitarisation de l’Allemagne par Hitler. Les uniformes asiatiques sont eux aussi fortement inspirés du style germanique et japonais de la seconde guerre mondiale.

Edgar P. Jacobs évoque très largement des conflits d’égos et dissentions dans « l’empire jaune » comme il pouvait en exister dans le IIIème Reich d’Hitler. On voit aussi Mortimer se faire torturer par l’ennemi dans l’objectif d’avoir des informations confidentielles : encore une méthode faisant fortement écho au second conflit mondial. Il est même fait mention de camps de concentration dans l’Himalaya dans lesquels des prisonnier sont amenés dans des wagons à bestiaux, référence évidente à la Shoah.

La résistance et la collaboration sont aussi illustrées dans la première partie du secret de l’espadon avec Mohammed Wali qui est dépeint comme un résistant à l’oppression alors que le groupe du Bezendjas illustre la collaboration en espionnant et dénonçant les héros. Enfin, le serviteur Nasir tue régulièrement pour sauver les héros et peut être perçu comme un reflet des indigènes des colonies ayant combattus pour les puissance européenne.

Vous le voyez donc maintenant, les principales thématiques de la seconde guerre mondiale sont bien présentes dans cette aventure. Mais l’auteur ne s’arrête pas là. Certaines cases sont des références directes à certains clichés célèbre de la période 39-45. En voici quelques exemples :

Jacobs s’est inspiré d’une photo du général allemand Erwin Rommel, tirée de la revue Signal (mars 1944).
Jacobs s’est inspiré de la photo de Robert F. Sargent prise lors du D-Day

On a ici un clin d’oeil à la célèbre photographie « Raising the flag on Iwo Jima » prise par Joe Rosenthal le 23 février 1945.

Une anticipation des enjeux de la guerre froide

Même si, comme on l’a vu juste avant, le secret de l’espadon peut être lu comme un miroir de la seconde guerre mondiale, on y trouve aussi des thématique qui laisse présager la guerre froide. Ainsi, l’intrigue repose essentiellement sur la construction d’une arme (l’espadon) afin de défaire l’adversaire. Edgar P. Jacobs ne s’y est pas trompé lorsqu’il a eu l’idée de cette intrigue car la guerre froide reposera bel et bien sur une course technologique entre l’URSS et les Etats-Unis.

L’ennemi « jaune » originaire d’Asie peut aussi être vu comme la Chine communiste, alliée de l’URSS au moment de l’écriture de la BD, montrant ainsi la psychose et la peur du communisme dans le bloc de l’Ouest.

Enfin, la puissance nucléaire est évoquée par certains personnages. L’un d’entre eux dit même ne pas vouloir l’utiliser car le but est de conquérir et non de détruire le monde. Cette réflexion reflète elle aussi la peur d’un conflit nucléaire entre le bloc soviétique et le bloc Américain.

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